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sylnege




Ce fut d’abord une petite maison blottie parmi les arbres, sur le pan de la montagne de la croix de Justin. Je la rencontrai par hasard lors d’une promenade en nature sur le chemin des Parisiens. J’avais, à cette époque, grand besoin d’un refuge, quand bien même j’habitais déjà un vaste appartement en centre-ville. Cette maisonnette de pierre, aux volets blancs et clos, avait un charme fou et semblait tout droit sorti d’un conte de Perrault. Je ne fus donc pas surprise lorsqu’un jour, une amie, à qui je venais de révéler mon coup de foudre, me dit en riant qu’elle la connaissait bien et que ses petites-filles l’avaient surnommées la maison du loup.

Ce fut d’abord cette petite maison du loup, surplombant la jolie ville de Die, qui devint l’objet de mes rêves. Je la visitais fréquemment, parcourrais son verger, me couchais près de son ruisseau puis m’endormais ainsi, parfois, imaginant être chez moi.


Un jour, je suis partie. J’ai quitté la vallée du Diois, les falaises du Glandasse, la montagne de la croix de Justin et la jolie ville de Die. J’ai quitté la petite maison du loup pour suivre d’autres rêves. Un amour, des enfants, une famille, avec toujours l’espoir de nous mettre à l’abri de la fureur du monde.


Ce fut, enfin, une grande maison de pierre cachée par les Douglas dans la vallée du Botoret. Une maison avec un grand jardin sauvage et pentu. Un jardin de noyers, de châtaigniers, d’ormes et de noisetiers. Un jardin avec une mare où un vieux boulot y trempait ses racines, où l’eau d’une source s’y déversait joyeusement après avoir rempli le puits. Une grande maison de pierre peu habitée car secondaire pour ses propriétaires.

Je la rencontrai par hasard lors d’une flânerie sur un site immobilier. J’étais en quête, à cette époque, d’une bâtisse ni trop chère, ni trop petite pour accueillir notre famille. Après des semaines de recherches infructueuses j’avais capitulé, je ne cherchais plus, je divaguais seulement sur la toile. C’est là que je la vis. Ces quelques photos de sa peau de pierre, de ses yeux de verre, de son air délaissé et un peu triste, subjuguèrent mon coeur. Immédiatement, j’appelai l’agence immobilière pour la visiter et ce fut un second coup de foudre. Elle attendait depuis longtemps d’être peuplée d’amour, de cris d’enfants, d’aboiements de chiens et de miaulements de chats. Elle rêvait d’être truffée d’arômes ! De tartines grillées trempées dans le café au petit-déjeuner, de tartes aux pommes au goûter et de soupes de légumes fumantes au dîner.

Ne pensez pas que je délire, c’est elle qui me confia son désarroi, pendant que je marchais entre ses murs, sa profonde solitude comme un trou noir derrière ses volets clos et son désir d’aimer. Les maisons parlent savez-vous ? Ou plutôt, elles murmurent à ceux qui ont à cœur de les entendre. Les maisons abritent, les maisons protègent et les maisons aiment.


Aujourd’hui, elle se nomme La Maison du Loup. C’est en son sein que j’écris et qu’elle nous protège de la fureur du monde.



FIN

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